Albion
(25 janvier 1994)



(CD Philips 518963-2)
(K7 Philips 518963-4 : )

(K7 Philips DCC 518963-5)

1. Good bye good bye good 6'03
2. Maintenant tout le temps 7'21
3. Les enfants sauvages 4'49
4. Silfax 4'18
5. I spy 5'25
6. La Navale 8'12
7. Excalibur 6'57
8. Comme on n'oublie pas 7'25
9. On vit tous la même histoire 4'35
10. Relâche 5'47

 

Origine :
« Il fallait s'en aller, il fallait apprendre autre chose, quitter sa tribu, poser ses crayons, éteindre son ordinateur, et puis en fermant le piano, dire à ceux-là qui vous aiment : "Vivez sans moi encore, cent jours, une autre fois"[...] Il a fallu traverser la mer, attendu là-bas par des inconnus qui vous ignorent, et n'ayant avec eux de commun que ce seul trait, qui est que nos pères, il y a cent ans de là, ont dû boire la même eau, si ce n'est la même bière... Ils ont trouvé d'abord mes notes un peu étranges, mais aux couleurs des rêves qu'ils avaient en eux. Quelque chose est venu, un mystère au milieu qui nous échappe encore, mais tant pis et tant mieux puisque parmi les chiens, les enfants et les fêtes sont nées jours après nuits dans une grungy grange ces chansons singulières faisant de quatre fous heureux d'étranges étrangers qui sont devenus frères. »
Après avoir écrit plusieurs concertos et symphonies, William Sheller éprouvait une furieuse envie de faire du hard-rock, « pour changer d'horizon. Sortir du piano, voir d'autres gens, faire d'autres choses. Je n'aime pas rester toujours avec la même image. Si on s'installe confortablement dedans, elle finit par se dessécher. » Sa maison de disques, qui avait très bien vendu l'album piano-voix Sheller en solitaire, attendait de lui qu'il réitère le principe, mais rien à faire, l'intéressé délaissait les ballades mélancoliques au piano pour du rock pur et dur : «C'était une urgence, un besoin d'artiste. J'adore le rock'n'roll, le heavy metal. Faire hurler des guitares. J'ai aimé Hendrix, Led Zeppelin, Black Sabbath et Marilyn Manson. » Il précise ailleurs : « J'avais envie de former un groupe, d'évoluer avec des musiciens qui me suivraient en tournée, sans toutefois jouer les anciens combattants, les démagos, les râleurs ou les donneurs de leçons. » Mais n'y avait-t-il pas un risque de décevoir les amateurs des albums doux et romantiques du type Sheller en solitaire ? « Je n'aimerais pas vivre sans risque, répondait William à ce propos, pépère tranquille avec une image du Sheller au piano. C'est sympa à faire, mais j'aime bien bouger ! » Cependant, William avait l'intention de proposer une sorte de « rock lyrique » à sa façon : « Pour ce disque, je voulais du rock qui ne soit pas, comment dire, concret. Parce que je n'ai pas la vie de ces mecs là, leur culture, leurs expériences. Je voulais un rock qui ne reflète pas la réalité, mais qui soit abstrait, dans le rêve. » Mais celui-ci, « C’est un rock que je sais faire. Il correspond au son des années soixante. C’est une période que j’aime bien et qui m’est revenue d’instinct. Je ne connais pas assez profondément le rock d’aujourd’hui. J’aurais vraiment l’air démago en utilisant ça. »
Premières séances d'enregistrement à Paris, avec des résultats peu concluants. C'était bien trop aseptisé et trop propret pour être crédible. D'ailleurs lorsque William faisait écouter les maquettes à ses enfants, ils n'accrochaient pas du tout ! « J'avais commencé l'album à Paris avec d'excellents musiciens. Mais deux ans avant on m'avait donné des "Victoires de la Musique", alors après ils lisaient mes notes mais n'osaient pas s'en écarter. Mais moi je voulais qu'on mette la zone là-dedans ! Alors je suis allé voir des Anglais qui ne me connaissaient pas du tout. » William précise dans une autre interview : « J'ai choisi des rockeux anglais qui ne me montraient aucun respect excessif. Les mots d'ordre étant "psychédélique" et "destroy", ils ne s'en sont pas privés. »
Durant l'année 1993, il est donc parti s'installer en Angleterre pendant plusieurs mois, dans une ferme du Surrey faisant office de studio d'enregistrement où ses musiciens, des types chevronnés qui avaient travaillé avec les plus grands groupes ou chanteurs de rock, avaient amené leurs gosses et leurs chiens : « J'ai passé près d'un an là-bas en compagnie d'un ingénieur du son, Mark Wallis, quatre musiciens délires et leurs familles. Il y avait de la place, des enfants qui couraient partout, d'énormes lapins qui traversaient la pelouse et un terrier d'Ecosse tout noir avec lequel j'ai bien sympathisé. »
Sheller le solitaire s'est en effet très rapidement acclimaté avec ce groupe de rockeurs sur la même longueur d'ondes que lui : « J'ai rencontré des gens, et on ne s'est pas posés trop de questions. C'est parti, on a laissé le guitariste jouer… C'était pas une ambiance de séances, pas du tout. En fait, au bout d'une semaine d'essais, de tâtonnements, je leur ai dit : "Bon, ben continuez comme ça". J'avais un groupe, dis donc. »
Pour convaincre Phonogram de le laisser s'engager dans cette aventure hasardeuse, William leur mentit "honteusement" : « J'avais dis à Phonogram que tout l'album était écrit, en fait, j'avais trois chansons. Sans blague…Non, au bout de quinze jours, je me suis mis à écrire en pensant à mes musiciens, je leur faisais de vagues maquettes en me disant : "Tiens, ils vont aimer ce plan de basse". Moi j'étais juste l'architecte, il me fallait ensuite l'opinion de différents corps de métier, de gars qui soient vraiment de la partie. Si le bassiste m'expliquait que le plan basse que j'avais prévu sonnait en fait mal avec la batterie, hop, on changeait. » Les musiciens du groupe ne lisant pas les partitions, William a du leur expliquer au clavier note après note ce qu'il voulait faire. « Avec leur énergie et leur sens de l'improvisation -qui me fait défaut-, ils m'ont permis d'envisager qu'il puisse y avoir des erreurs dont on profite, de l'aléatoire. Ensemble, nous avons déplacé des motifs, construit l'album bloc par bloc. » Comme le résume si bien William : « L'histoire de ce disque est un état de grâce : tout au long de sa réalisation, les bonnes réponses sont venues au bon moment. » Après tout William s'est fait plaisir et il en garde même « un très bon souvenir. J'aime bien ce disque, car j'ai pu faire l'album de rock dont je rêvais depuis les années 60. »

Pochette :
Une pochette à plusieurs volets surréaliste et un peu psychédélique transformant des personnages et des animaux en damiers, avec des clins d'œil du côté de l'univers de Magritte. A l'intérieur, William Sheller et ses musiciens posent dans un vieux garage rempli d'un inimaginable bazar d'objets les plus hétéroclites.

Contenu :
Résolument, du hard-rock métal tendance sixties qui crache, à écouter très fort… si vos voisins sont conciliants. Lorsque cet album est sorti, les fans amateurs de piano-voix façon Sheller en solitaire n'ont pas vraiment apprécié la fusion de William avec un groupe de heavy metal ! Ils ont revendu aussitôt leur CD, qu'on peut aujourd'hui trouver en brocante pour un prix dérisoire. En revanche, ce disque a été encensé par les magazines un peu «branchés» style Rock & Folk.Un critique de l'époque écrivait que c'était, « L'incitation au voyage dans la poésie et l'absurde, l'odyssée de Little Nemo dans la galaxie Beatles, Alice au pays de Jimi Hendrix. » Résumé par William avec son humour très imagé : « J'étais la poule qui a pondu un œuf de cane, mais quand on a des envies artistiques, il faut les satisfaire. » Il a intitulé cet album réalisé en Angleterre Albion, parce que « Albion agit comme une brume, c'est une métaphore pour ne pas dire "made in England". »
Les musiques ont bénéficié d'un nombre considérable d'expérimentations matérielles et sonores : instruments peu courants, techniques diverses de réverbération, bruits de souffle en fond créés avec des bouts d'instruments, bandes magnétiques découpées au rasoir et/ou passées à l'envers, bruitages originaux, voix très particulières de type «téléphonique», placées en retrait derrière les instruments. Il y a parfois pas mal de larsen en fin de piste... mais c'est un peu fait exprès.
Cela va des chansons bien délirantes comme Silfax, aux constatations à caractère social (Les enfants sauvages, On vit tous la même histoire) ou vaguement politique (La Navale), en passant par une nouvelle version hard-rock fracassée de Excalibur ! Au sein du groupe, chaque musicien s'est fait plaisir en s'exprimant à fond, ce qui explique la longueur des morceaux, 6 min en moyenne et même 8 min 12 pour La Navale. Même si les musiciens en question ont été un peu surpris parfois par les créations de William : « J'aime qu'on croit que la musique va dans telle direction, et que, d'un seul coup, elle bifurque. Cela fait partie de mon écriture. Mes musiciens se sont d'ailleurs un peu embêtés avec mes accords bizarres. En rock, certaines phrases ou certaines gammes bien spécifiques "tombent sous les doigts". Avec ce que je fais, ils ont été obligés de torturer un peu leurs guitares. »

Une tournée consécutive à cet album était prévue avec le groupe à l'automne 1994. Mais finalement, William se voyait assez mal déguisé en rockeur avec boucle d'oreille et tee-shirt déchiré pour aller chanter les chansons d'Albion sur scène . Il a tout de même consenti à tourner un clip que l'on peut qualifier de « franchement psychédélique », pour ne pas dire « franchement pas regardable » (mal de mer assuré). De l'avis même de l'intéressé, c'était « une vidéo affreuse, à la sauvette, genre clip à trois balles détestable et qui n'a pas fait long feu, heureusement. »

Les autres musiciens du groupe :
Steve Bolton alias Boltz (guitare, voix), David Ruffy (batterie, programmation), Gary Tibbs (basse, voix), Mark Wallis (console, sampling, production).

  Voir leur biographie  

 

La Navale/
Comme on n'oublie pas



(CD 2 titres Philips 856176-2)
-1994-
Maintenant tout le temps/
Ridge farm en Albion



(CD 2 titres Philips 858342-2)
(K7 2 titres Philips 858342-4)
-1994-

NOTE :
L'édition originale se composait d'une double boîte avec le CD de l'album + un emplacement vide destiné à ranger
le CD 2 titres Maintenant tout le temps/Ridge farm en Albion, qui était vendu séparément dans une pochette cartonnée.
Un judicieux sticker collé au dos de la boîboîte incitant fortement l'acheteur dudit album à rallonger la monnaie pour acquérir aussi le CD 2 titres.
La vente parallèle de ces 2 supports ayant "pour but d'obtenir le plus vite possible après le lancement de cet album un classement dans le TOP 50 et le TOP albums"(sic).