L’Humanité N°12461
14 septembre 1984
-Série de concerts à l'Olympia, 11 au 16 septembre 1984-

Un parfum perdu…
…retrouvé par un surprenant William Sheller
(par Daniel Pantchenko)

 


Miracle ! On sort de ce spectacle avec la sensation d’un enfant qui vient de découvrir dans une boîte archiconnue des friandises d’une saveur nouvelle. On s’attendait à la qualité ; on nous offre de surcroît la surprise. Inespérée par les temps qui courent. William Sheller occupe décidément une place à part dans le monde disparate du show-business. A l’envers des habitudes du moment, il a choisi d’être accompagné par un quatuor à cordes, le quatuor  Halvenalf (Jeannot Gillis, Jacqueline Rosenfeld, Wiet Van de Leest et Claudine Steenackers) venu tout exprès de Bruxelles. Pas de décibels ravageurs. Dans un décor à l’antique, on assiste d’abord à un concert où des morceaux de musique classique se glissent naturellement entre les chansons. Assis derrière son piano, William Sheller les présente avec une jolie simplicité. Certes, il n’est pas, selon l’expression consacrée, « une bête de scène ». Pourtant, doucement, irrésistiblement, il amène chaque spectateur dans le secret de ses confidences. Un parfum qu’on pensait perdu flotte dans la salle, une brume poétique se distille. Gauche et d’une élégance suprême, à la fois, le chanteur se lève pour saluer, bras tendus, mains ouvertes. Pas un mot, pas de « cinéma ». Harmonieusement, il mêle succès d’hier et morceaux de son dernier disque (Simplement - Phonogram-) dont les superbes Les filles de l’aurore, L’Amour noir et Le Capitaine (l’histoire de l’amant de Mme Butterfly). Sur l’ensemble du spectacle, il reprend -souvent seul au piano- Fier et fou de vous, Oh ! j’cours tout seul, Dans un vieux rock’n’roll, Le Carnet à spirale
Mais ce qui donne à son spectacle une saveur particulière, c’est le cadeau de la deuxième partie. Revêtant une veste d’intérieur multicolore, il devient un M. Loyal aussi discret que convivial. Il s’efface, et l’on prend en pleine gueule un jeune chanteur belge, Didier Odieu. Avec un humour, des gestes et une énergie à la Brel, il attaque : « Aimez-moi inconnu, après je serai une star, je serai insupportable ! » Une bombe ! Stupéfaction générale. Deuxième chanson, rurale et tout aussi irrésistible. On n’en croit pas ses yeux et ses oreilles. Il termine avec une interprétation époustouflante de Vous mariez pas les filles ! de Boris Vian. Dans la salle, c’est le délire. Retenez bien son nom : Didier Odieu. Il a un peu plus de vingt ans. « Pas facile de revenir derrière lui ! »  dit William Sheller. Mais si, mais si. Le public a goûté le cadeau. Il est aux anges. Peu après, il va se régaler encore avec les facéties musicales des quatre garçons et deux filles de l’orchestre de contrebasses.
Une superbe soirée, placée sous le signe de la musique, de la diversité et de l’intelligence. Un rendez-vous de chaque instant avec l’émotion. On aimerait que -outre leur talent- beaucoup d’artistes aient la démarche de M. William Sheller. Sans calculs. Cela s’appelle la classe.

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William Sheller à l’Olympia. Jusqu’au 16 septembre.