France Soir N°13455
14 novembre 1987
- Spectacle au Grand Rex, 18 au 24 novembre 1987-

William Sheller : du rock au pop avec un brin de folie
sur la scène du Rex

(Stéphane Singlard)

 

On dit que les Noirs, ont la musique dans les veines. Il est blond, le crâne presque rasé, un faciès de Tintin ou de Viking, la peau claire et l’œil bien bleu, et pourtant il a la musique dans le sang.

William Sheller est sur la scène du Rex du 18 au 24 novembre. Il a composé la musique de Quasimodo, qui commence ce soir, et a des projets plein la tête.
A trois ans,  la musique de Kenny Clark et Oscar Peterson n’avait déjà plus de secret pour lui (les potes de son papa, un contrebassiste de jazz, lui interprétaient des «berceuses»). A sept ans, il jouait à cache-cache dans les coulisses de l’Opéra de Paris (son grand-père y était décorateur) et fredonnait déjà La Norma. A dix ans, il connaissait par cœur les Ballets du Marquis de Cuevas (sa grand-mère était ouvreuse au Théâtre des Champs-Elysées). Plus tard, c’est sur un maître exceptionnel qu’il tombe au Conservatoire, un élève de Fauré… Un début de carrière fulgurant en 1968 avec My year is a day. Le temps de mettre un peu de «ketchup sur son hamburger», le voila propulsé vitesse grand V dans le monde du showbiz. Télé, radio…
« Un jour, j’ai cuit une omelette en direct à la radio, et alors là, je me suis dis stop ! Il y a tout de même un niveau au-dessous duquel on ne peut pas descendre. Le respect de soi, de ses rêves d’enfant, c’est essentiel. Il ne faut pas faire n’importe quoi pour le plaisir de se montrer. Quand on fait partie des meubles, les gens ne vous voient plus. L’idéal, c’est d’avoir la chance de faire quelque chose, de temps en temps. Regardez Barbara ! »

Ville imaginaire
Le décor de la scène du Rex, William Sheller l’a conçu avec passion : «Mon grand-père disait : "On reconnaît un bon décorateur suivant l’angle d’usure de son pinceau".»
Une ville imaginaire, la nuit, un garage dans les faubourgs, et des jardins sur l’avant-scène avec ses colonnes multicolores et des fleurs partout, un piano, dix-sept musiciens (chacun est un personnage du quartier, haut en couleurs), le golfeur, le pêcheur, le garagiste, le baba-cool qui roule ses clopes lui-même : «Je suis le seul de la clique a être très sobre : jogging noir, veste blanche. »
Oh ! J’cours tout seul, Le Carnet à spirale, mais bien sûr quelques-uns des derniers titres de son album Univers comme Le Nouveau Monde ou l’opéra cantate de L’Empire de Toholl. Du pop, du rock, du classique… Alors, inclassable William Sheller ?
«J’ai envie de garder ma liberté. Je peux faire aussi bien une œuvre symphonique que de la musique de pub pour Gemey. C’est plus difficile d’être un musicien accessible qu’un génie incompris.»
Dans son spectacle, des surprises, morceaux jamais enregistrés. «Pour remercier les gens, dit-il, quelque chose d’éphémère qui ne passe pas nécessairement par un disque. Offrir des moments de folie et tâcher qu’on les comprenne, c’est là où est la vraie création.»