L’Humanité N°13473
15 décembre 1987

-Le spectacle musical Quasimodo, joué à Paris du 14 novembre au 27 décembre 1987-

Quasimodo, par le Théâtre de l’Unité
Le père Hugo s’éclate

(par Daniel Pantchenko)

 

Nicoletta dispense le blues profond de sa voix. Derrière, un Indien et un cow-boy passent en trombe à cheval. Il y a de fantastiques numéros de cirque, astucieusement intégrés dans le récit. Bref, une réussite.

Magie du théâtre. Melle Adèle dérègle sa télécommande, le « réparateur agréé » effectue une fausse manœuvre et, badaboum, les voilà jetés en plein feuilleton  moyenâgeux. Rivière sinueuse, brume flottante, flèche d’église en construction… bon sang, mais c’est bien sûr, c’est Notre-Dame de Paris ! Du haut de ses tours, le bossu Quasimodo guigne Esméralda qui chante et danse en compagnie de sa chèvre Djali. Pour la belle bohémienne, l’évêque Frollo est lui aussi prêt à tout. Le prévôt de Paris (« Quasipasqua », je présume) veut expulser tous les étrangers de la capitale. Le capitaine des archers, le beau Phœbus craque à son tour devant Esméralda et la laisse s’enfuir. De nouveau menacée, elle devra son salut à Quasimodo avant de sauver elle-même Phœbus de Clopin Trouillefou, le roi de la Cour des Miracles… alors qu’un cow-boy et un Indien passent en trombe à cheval, Melle Adèle ayant constaté que sa télécommande fonctionne à nouveau, et décidant de taquiner quelque peu les protagonistes de cette abracadabrante histoire. Péripéties diverses. Happy end.
Renonçant aux fouillis jouissifs peu ou prou incontrôlés de certains de ses spectacles précédents, le théâtre de l’Unité (Hervée de Lafond et Jacques Livchine, qui joue en outre le « réparateur agréé ») réussit un quasi sans-faute. Ça grouille de vie et de gags, mais avec bonheur. Aucun effet de flou : on vibre pour l’héroïne, on frémit de l’audace aérienne de Quasimodo (l’acrobate funambule Antoine Rigot), on s’ébahit devant les bagarres et les cascades diverses. Eclairé avec une finesse multiple par le sorcier Jacques Rouveyrollis, le décor de Claude Acquart (lui aussi de l’Unité), tend un pont immédiat vers l’imaginaire. Très à l’aise, Nicoletta y dispense le blues profond de sa voix, sur six chansons signées Victor Hugo (cinq ans après Notre-Dame de Paris, en 1836, il en a tiré un « opéra populaire », La Esmeralda), et William Sheller, lequel a composé en tout trente-deux minutes de musique superbe. Interprétée par la chanteuse et vingt-huit musiciens de l’Opéra de Paris et de l’Orchestre national (direction Michel Ganot), elle existe sur un disque trente centimètres produit comme le spectacle par TEC/PROCAP (Polygram 834 161-1).
La réussite de Quasimodo tient également aux numéros fantastiques du cirque suisse Van Gool (trapèzes, « roue de la mort ») et aux artifices explosifs du groupe Ephémère. Autonomes et en même temps, astucieusement intégrés dans le récit, ils contribuent à la fête et au merveilleux de ce spectacle que grands et petits savourent avec le même plaisir.

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