Le Monde N°13959
14 décembre 1989

Guide : Les disques de l'année
Les chansons de nos rues

William Sheller.Ailleurs



Orchestre symphonique, chœurs, cinémascope et technicolor. Est-ce encore de la chanson ? Du Sheller, en tout cas : un sens mélodique rare, des secrets bien gardés sous des images fortes, et le goût du voyage vers la Russie, le Japon, le Moyen-Age et le fin fond du bout  du monde. Le tout empaqueté avec esthétique et humour dans un superbe coffret accompagné d’un livret. Sheller y relate la genèse du disque et y développe ses intentions, ce qui a le mérite d’éclairer le personnage.
Il avoue en passant sa manie d’oublier les bémols et sa joie des constater que Sergeï sonne comme du Stravinsky : c’était fait pour ça… On apprend aussi que la très printanière intro du Témoin magnifique a été écrite sur le tempo des joggeurs du Parc Monceau, et que tout de suite après « On entend la lumière du jour grimper aux arbres ».
Le résultat, à l’écoute, ne relève pas pour autant du comique troupier. L’humour est à peine visible, à la ressemblance de ce tambourin qui vient, « par-ci par-là, comme un grain de sel sur le contretemps ».
Ce qui est visible, c’est la beauté et la mélancolie, mais il n’est pas indifférent de savoir qu’on peut écrire des choses belles et mélancoliques sans en faire un drame…
Mais, si on rêve, on ne s’endort pas : les cadences gardent l’empreinte énergique et les pulsations du rock chères à Sheller.

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1 CD et un microsillon Philips.