France Soir N°15612
18 octobre 1994
-Série de concerts à l'Olympia du 18 au 30 octobre 1994-

Sheller en bonne compagnie
(par Monique Prévôt)



Il investit l’Olympia avec, à la guitare, son fils, Junior, qui fait ses classes. Quant à sa fille, elle se lance dans l’écriture.

Lorsqu’on parle de M. William, c’est toujours avec cette délicieuse excitation des papilles qui précède la dégustation de quelque élixir rare. Dans quels mirages sonores va-t-il nous entraîner cette fois ? Quel impertinent alliage du troisième type nimbé de violes de gambe s’apprête à courtiser nos oreilles ? Bien sûr, son  dernier album Albion -furieusement rock électrique- a très vite atteint le Disque d’or. Mais ce serait méconnaître le musicien Sheller en perpétuelle effervescence créatrice que d’en attendre sa reconstitution au calque.
Alors… Sheller en solitaire ? Sheller baroque et symphonique ? « Le tout, mon général », explique l’homme qui revient avec vingt musiciens dont son propre fils William (1) à la guitare.

- France Soir : « Albion, revisité de cordes et d’instruments à vent, c’est l’aveu d’une déception ? »
- William Sheller : « Pas du tout. J’ai eu beaucoup de plaisir à cette incursion touristique dans le monde du rock. Mais je fais un distinguo  entre le concept discographique et la musique à regarder. Quel ennui pour tout le monde si l’on ne se réinvente pas. Autant rester chez soi près de sa platine. »

- France Soir : « Et votre fils à la guitare électrique, c’est la reconnaissance du père ? »
- William Sheller : - «Bien sûr. S’il n’était pas bon, il ne ferait pas partie de ma trousse symphonique. Mes musiciens sont mes crayons de couleur. Ils apportent, chacun, leur touche unique. Cela dit, je ne lui ai pas proposé cette première aventure scénique pour qu’il épate le show-business, mais pour qu’il apprenne à travailler en atelier. De la même manière qu’un fils de maçon va voir un jour sur le chantier ce que c’est qu’un mur. »

- France Soir : «Le talent c’est héréditaire ? » 
- William Sheller : « Sûrement, un peu… Il a 21 ans. Mais, jusqu’à l’âge de quinze, avant que je le récupère, il a été élevé par sa mère qui, après avoir donné dans le psychédélisme, le zen, le baba-cool et l’intégrisme chrétien,  passait son temps à écouter de la musique religieuse du matin au soir… »

- France Soir : « Votre fille chante toujours ? »
- William Sheller : « Elle s’était lancée là-dedans. Mais me semble avoir bifurqué. Elle écrit beaucoup en ce moment. Elle ne me dit pas quoi. Mais, comme elle tourne bien dans sa tête, je ne me fais pas de bile. »


- France Soir : « Des chansons inédites dans ce nouveau spectacle ? »
- William Sheller :  «Une, oui, qui me réjouit. Quand j’étais en Angleterre pour enregistrer Albion, j’ai entendu un jour à table :  "Prend de la mangue. C’est excellent pour la dépression d’hiver". C’était tellement inattendu, je me suis mis alors à imaginer quelqu’un frappé de dépression d’hiver et cela m’a inspiré une chanson totalement surréaliste. Après tout, si je peux ainsi donner une recette pour le bonheur… »

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Olympia, jusqu’au 30 octobre.  

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Note du site :
(1) Le fils de William Sheller s’appelle en réalité Siegfried.