Sheller nous est  revenu, tel qu'on l'a toujours aimé. Avec ses cordes, sa tendresse et son  humour. 
  
            
                
            Sheller n'est pas un obstiné. Devant l'échec retentissant de  son album de rock aux guitares hard dénommé Albion,  il aurait pu ne pas en tenir compte, jouer ce disque sur scène en s'entourant  de quelques héros chevelus et attirer deux cents personnes à la Luna. Le flop. En lieu et  place de ce cauchemar, William, qui fête cette année ses 25 ans de carrière, a  d'abord pensé aux envies de son public. Retrouver ces cordes chéries, ces  violons et violoncelles adorés, délicatement posés sur ses jolies chansons. Le  message était passé puisqu'au moment de monter seul sur scène la salle de la  rue de l'Enseignement est comble et l'accueil triomphal. 
            L'enthousiasme montera encore d'un cran quand, après avoir  avoué qu'il était bien content de retrouver cette salle huit ans plus tard, il  présente son groupe «à majorité de  Bruxelles et de Liège» et c'est pas moins de dix-neuf musiciens qui font  leur entrée à la queue-leu-leu pour venir saluer comme on le fait en fin de  concert. Et c'est parti avec Les Petites Filles  modèles, La Tête brûlée, Basket-ball, Oh ! j'cours tout seul, Cuir  de Russie, Nicolas... Les tubes,  quoi ! Tout ce qu'on veut entendre et rien que ça. Ce qui ne veut pas dire que  William se repose sur ses anciens lauriers et qu'il se contente de vivre sur  son passé. Comme il en a toujours eu l'habitude, il réarrange tous ces titres  pour son nouvel orchestre dirigé par l'«illustrissime»  (dixit Bill) Jean-Pierre Catoul. Le  violoniste belge doit en effet à Sheller le lancement de sa carrière  internationale et sa fidélité au chanteur français fait également plaisir à  voir. Le Carnet à spirale se retrouve  adapté en sextuor à vent, À franchement  parler nous est servi en trio guitare (par Siegfried Sheller, le fiston)-basse-batterie  en complément du piano, rejoints par les six violons pour Fier et fou de vous. 
            Et ça devient un jeu : ça rentre et ça sort sans arrêt de  scène, ce va-et-vient donnant tout son rythme à un long concert de deux fois  une heure. On ne voit pas le temps passer. Une  chanson noble et sentimentale renoue avec la formule «en solitaire» (tout  comme le fera Dans un vieux rock'n'roll en premier rappel), Les miroirs dans la  boue en trio, Un homme heureux en  duo (piano-bugle : délicieux), Maman est  folle avec quatre violons, et ainsi de suite. D'Albion, seule La Navale est sauvée de l'oubli dans une version au grand complet plus digeste, tout  comme Une dépression d'hiver issue de  ces sessions anglaises mais qui ne s'était pas retrouvée sur l'album (maudit ?).  Sheller n'a jamais été aussi à l'aise, parlant plus que de coutume, racontant  une petite histoire avant chaque chanson, avec des anecdotes invariablement  drôles sur la naissance de chacune d'entre elles, petits détails dont raffole  le public. William est toujours aussi charmant, parlant le langage du cœur et  des tendres sentiments. Noble et sentimental, il parvient à préserver  l'essentiel d'une communication avec son audience proche de la symbiose. Bravo Billy... 