La Dépêche du Midi
7 février 1999

Chanson française
William Sheller : écoutez la différence
(par Bernard Lescure)

 

Il a cinquante-trois ans, c'est un auteur-compositeur interprète peu ordinaire. Dans deux CD, il nous livre son histoire.
Moi, je comprends pas pourquoi il a l'air si triste, William Sheller, sur la pochette de ce nouvel album qu'il nous livre aujourd'hui alors que ses chansons, même les plus mélancoliques, rendent les gens tellement heureux.
Peut-être pense-t-il encore aujourd'hui très fort à Barbara, son amie ? Celle qui lui avait dit un jour qu'il devrait à son tour se mettre à chanter. Celle grâce à qui, finalement, il nous livre aujourd'hui ces quelques 34 chansons sublimes. «Pas une compil de plus, dit-il, mais mon histoire». Une belle histoire d'un auteur-compositeur-chanteur peu ordinaire. Extrêmement sensible. Et fin observateur aussi. Si fin qu'il est capable de faire de lui, à chaque instant, le meilleur des auto-portraits. Un grand solitaire qui vient de fêter sans rien dire les 30 ans de My Year is a day (son premier succès qu'il avait interprété avec des copains américains affûblés par une maison de disques du nom des «Irrésistibles»). Un grand timide qui fêtera ses 53 ans cette année (le 9 juillet prochain), l'année aussi du trentième anniversaire de la musique du film Erotissimo qu'il avait également signée.
Refusant toute sa vie de «se prostituer» pour le plaisir des maisons de disques, jamais William n'a fait de concessions ou alors tout juste pour se laisser «clipper» - passage alors obligé pour être entendu à la télé-.
Double Victoire de la Musique (1993) pour la chanson Un homme heureux et pour l’album En solitaire alors que son premier album s'était vendu, rit-il, «comme des cages à lion», il est enfin aujourd'hui reconnu du grand public. Et si il a toujours avoué n'avoir jamais pensé qu'on l'avait «déposé sur cette pauvre planète folle pour y faire autre chose que de la musique», il sait aussi nous amuser. Et entre deux chansons, deux symphonies grandioses, nous livrer des mots bien à lui aussi et pleins d'humour. Exemples : «Avec Le Carnet à spirale, j'ai été numéro un au Sénégal et je n'étais pas peu fier !» Ou encore : «A propos de Dans un vieux rock'n'roll, Johnny que j'avais rencontré à des heures bleues dans un coin rouge et or des nuits parisiennes, m'avait dit : ''C'est bien, ton dernier truc, tu me l'aurais donné, en adaptant le texte pour moi on en aurait vendu des millions !" Mazette ! Si j'avais su... »   Et encore, à propos de la note Ré : «Ré a toujours été jaune dans ma tête, citron en majeur, soleil couchant-jaune d'œuf en mineur. Avec ça, comment vivre comme tout le monde ?».

«William Sheller, Tu devrais chanter» : 2 CD rassemblant «le meilleur», selon sa maison de disques. 34 chansons qu'il a choisies lui-même et qu'il accompagne d'anecdotes et de notes personnelles. Belle occasion pour tous ceux qui vont ainsi le réécouter de découvrir l'homme au-delà de ses jeux de mots.