Sud-Ouest
4 mars 1999

Un air de Sheller
(par Patrick Scarzello)


William Sheller était hier à la FNAC à l’occasion de la sortie d’un double CD rétrospective, Tu devrais chanter.



 « Ce disque représente la clôture d’une époque, l’aventure d’un individu embarqué dans le show-biz », explique William Sheller qui porte des Doc’Martens rouges, et garde une certaine distance avec le monde. « C’est vrai que je reste une espèce de satellite, qui regarde la planète tourner ; J’ai un problème d’intégration, du mal à adhérer à une philosophie, un mouvement, un engagement. Je me sens très tolérant, mais l’on finit par se demander si cela ne confine pas à de l’indifférence. »
Le public, venu en nombre, ne lui était pas du tout indifférent. Les questions fusaient, aussi bien sur le rap, dont il n’a pas le vécu, que sur les Victoires de la Musique, qui ne lui paraissent pas vraiment représentatives. « C’est dommage de penser que dans ce métier, tout doive passe par le disque, et qu’on ne puisse pas plus expérimenter, comme je le fais à Pleyel, ou en écrivant des musiques de films. Durant cinq-six ans, je n’ai pratiquement plus eu de contacts avec ma maison de disques, parce qu’il est très difficile de s’investir avec une équipe qui change tout le temps. »
Sa nouveauté est une sorte de best-off, qui correspond aux versions originalement sorties. « J’ai préféré garder les erreurs et raconter ce que je vivais à l’époque en tant qu’individu, et pas seulement en tant qu’artiste ». Son prochain album sera un triptyque, avec des climats électro-acoustiques, des chansons piano-voix, et des morceaux branchés électro. « Cependant, je ne suis pas à l’affût des nouveautés. J’écoute comme tout le monde la radio et la télé ; Malheureusement cela me coupe de ce qui peut être plus underground. Et puis, quand on passe en musique dix à douze heures de sa journée, à la treizième on préfère le silence ».
L’artiste populaire avoue encore qu’il n’y a pas de création sans obsession, « Ce qui paraît évidemment insupportable aux autres. En amitié comme en amour, c’est l’absence que j’apprécie le plus. N’aime-t-on pas plus, quand il y a manque ? De toute façon, je n’abandonnerais jamais la musique pour un très belle histoire avec un pote ou avec une Martienne. C’est le seul domaine où je trouve un renouveau permanent, en terme justement d’émotions. Nous sommes beaucoup dans le métier à vivre de cet investissement-là ;  Je ne m’imagine pas ayant une petite vie bourgeoise à la maison, et la création à l’extérieur. C’est un état empirique, pas un choix. »
C’est l’écriture de ses nouvelles chansons qui lui demande le plus d’effort, depuis quatre ans que les musiques se construisent. « Ce n’est jamais le culturel, qui se partage, plutôt l’émotionnel, les mots restant comme des tranches d’émotion, un parfum de vécu, qui permettent aux gens de se retrouver. » On le retrouvera en tournée, avec une vingtaine de musiciens, pour un spectacle renouvelé, au printemps 2000.