Le Monde
29 janvier 2000

Sélection disques
William Sheller. Les Machines absurdes
(par Véronique Mortaigne)




Six ans après Albion, disque marqué du sceau du rock anglais, William Sheller livre Les Machines absurdes. Construites et orchestrées de main d’orfèvre par ce musicien qui ne néglige aucun genre –chanson, musique classique, rock’n’roll-, les mélange, les entraîne vers davantage d’exigence, ces dix chansons ne s’appuient sur aucun courant à la mode. Et si machines il y a, elles ne sont pas là pour tresser de fausses louanges à l’électronique, mais pour prouver que la musique vit, qu’elle est aussi une question de hasard. En scène, William Sheller a pour habitude de donner des explications pour retracer la naissance d’une chanson : souvenirs d’enfance happés au hasard, jeux de mots impromptus ou envies musicales subites. Par exemple, celle de composer une « valse lourde, genre I put a spell on you » : il en sort To you, piano, basson, contrebasse, deux minutes quarante de bonheur qui précèdent Moondown, la plus médiévale, dans la veine du Nouveau Monde, tout en sinuosités, violons, mouvements de vent et de dunes. La quasi-totalité des titres sont en anglais. Logique : ce sont ceux des fichiers informatiques utilisés pour les construire. Sheller pourrait paraître ainsi paresseux, mais ce n’est que de l’élégante nonchalance. A Indies, critique aiguisée des hominidés du troisième millénaire, Misses Wan oppose l’ombre des créatures virtuelles. Des lassitudes dans ces Machines absurdes ? Quelques-unes, quand, par exemple, le système Midi reste bloqué sur Sunfool avant de rétrograder vers une caricature du binaire (Athis). Les travaux de précision de l’Orchestre parisien gomment ces petites faiblesses. Les désirs et les rêves de Sheller reprennent le pas sur la solitude lasse ? Chamberwood, dixième du rang, revient à l’objet essentiel de ce disque pacifié : la musique. 

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1 CD Mercury 546 922-2