Zurban N°11
8 novembre 2000
- Entretien avant le concert exceptionnel "Double Jeu" du 11 novembre 2000 au Théâtre des Champs-Elysées-

Musiques
Sheller, la vie en live

(par Pierre Fageolle)

 

Le pianiste élégant revient sur scène au Théâtre des Champs-Elysées.
Rencontre avec un chanteur lunaire, fervent amateur de swing.


- Zurban :  «Vous avez dit vouloir arrêter de chanter. Cette "intégrale de scène" serait-elle une sorte de bouquet final ?»

- William Sheller : «Ah, je n’ai pas dit "arrêter de chanter". J’arrête de faire des albums avec tout ce que ça représente aujourd’hui, en terme de marketing. Mais arrêter la musique, je ne peux pas. Si j’arrête, je meurs !» 

- «Bien que vous y jouiez pour la première fois,  le Théâtre des Champs-Elysées a pour vous une résonance toute particulière…»
- «Ma grand-mère y était ouvreuse et mon grand-père décorateur. J’y ai vu les ballets du marquis de Cuevas et la création de L’Opéra d’Aran de Gilbert Bécaud. Une superbe partition. Je l’ai vu sept fois d'affilée. A 16 ans, j’y ai même travaillé pour me payer un des premiers postes FM, en mono. Mais ça fait Verdun de dire ça ! En jouant là, je réalise un rêve de gosse.»

- «Quelles vieilles chansons allez-vous rejouer pour l’occasion ?»
- «Rock'n'dollars, que je n’ai jamais faite sur scène. Avant, c’était une casserole, mais maintenant c’est drôle.  Et puis La Maison de Mara, Le Capitaine…Il y aura des passages au piano solo, un inédit assez surréaliste  qui s’appelle Les Cerises jaunes, et peut-être un deuxième si j’arrive à le finir avant.»

- «Y aura-t-il un album live ?»
- «Oui, en décembre, illustré par une photo Harcourt que je viens de faire. C’était intéressant, ils passent une après-midi à observer vos attitudes, comment vous accrochez la lumière… Puis on fait deux heures de pose. C’est de la photo d’art, l’équivalent d’un Nadar au XIXe siècle.»

- «Avez-vous un truc pour apprivoiser le trac ?»
- «Non, on a besoin de cette montée d’adrénaline pour que le citoyen lambda devienne un genre de médium. En scène ou en coulisses, on n’est plus le même.»

- «Que préférez-vous dans une tournée : le départ ou le retour ?»
- «Le départ. Renifler un nouveau théâtre… Au retour, on se retrouve seul entre quatre murs, sans l’amour de 3000 personnes… La déprime.»   

- «Quels artistes allez-vous entendre en live ?»
- «Sanson, Jonasz, Souchon, Birkin, les Rita… Mais c’est difficile, je ne peux pas m’empêcher d’analyser ce que jouent les instruments. En classique, j’aime beaucoup le toucher de Duchâble. Et j’ai passé une soirée formidable en allant voir Valérie Lemercier.»

- «Au moment des saluts, vous prenez des photos du public. Que faites-vous de ces images ?»     
- «Je les pose sur le site d’une fan, pour que les gens s’y voient.»

- «Il paraît que les soirs de dernière, vous faites des canulars aux musiciens. Exemple ?»
- «Il y a des farceurs qui mettent des œufs durs dans le cor… Ils me mettent aussi des balles de ping-pong dans le piano ! Mais on fait en sorte que le public ne soit pas affecté par cette petite tradition.»

- «Après un concert, quel compliment vous touche le plus ?»
- «Les compliments me gênent. J’ai toujours l’impression que l’on me parle de quelqu’un d’autre. C’est peut-être le cas, d’ailleurs !»