Le Progrès de Lyon
28 novembre 2000
- Concert au théâtre de Lons-le-Saunier, 25 novembre 2000 -

William Sheller : un moment intime et grandiose
(par Roland Derudet)

 


En entrant sur scène à 20 h 30 tapantes, Sheller, le cheveu blond oxygéné, la chemise « jeune », basket et pantalon de jogging s’exclame : « Quel joli théâtre vous avez là. C’est le plus joli depuis le début de la tournée ! » Rien de tel pour se mettre une salle comble dans la poche. Sympa, anti-star (« On va s’arrêter un moment pour prendre un café et fumer une cigarette ») précédant chacune de ses chansons par de savoureuses anecdotes, l‘homme sait créer une intimité immédiate avec les spectateurs, et cela compense une certaine raideur scénique. Sur un décor imbriquant un piano, un orchestre de neuf cordes et six cuivres et bois prend place. Il occupe l’espace assez anarchiquement, les musiciens sont vêtus informellement (le chef d’orchestre, le violoniste Nicolas Stevens, porte une veste lamée or), mais dès qu’ils entament le thème orchestral de Symphoman on en prend plein la tête. Les arrangements très classicisants sont sublimes. Et quand William Sheller entonne le couplet derrière son piano, la salle est immédiatement conquise.

Emotion et mélancolie 
L’enchantement ne cessera pas. Présentant au public des nouveautés de son dernier album Les Machines absurdes ou bien revisitant des standards comme des anciennes chansons plus obscures, il tombe juste. Deux guitaristes, un bassiste et un batteur viennent prêter main forte à l’orchestre sur Oh ! j’cours tout seul ou l’ambitieux Excalibur. L’avantage certain d’une telle formation est qu’elle est malléable à l’infini et que chaque chanson trouve ainsi son accompagnement idoine : octet à cordes et groupe rock sur Les filles de l’aurore (grand frisson !), sextet de cuivres et bois sur une surprenante relecture du Carnet à spirale, ou quatuor à cordes sur le bluesy Un archet sur mes veines. Le climat si particulier, à la fois romantique et mélancolique des chansons de Sheller crée une ambiance presque religieuse dans le théâtre, ses paroles déclinant à l’infini les désespoirs amoureux. Malgré tout, les standards les plus dynamiques, comme Fier et fou de vous, réussissent à emballer le public. En rappel, le chanteur, après avoir pris quelques clichés de la salle (Puisqu’on vous dit qu’il est joli, ce théâtre !), présente son père, contrebassiste américain octogénaire, qui l’accompagne, visiblement très ému, sur une version jazzy avec bugle de son plus grand succès Un homme heureux. Sheller termine avec un inattendu Rock’n’dollars, annoncé comme « une chanson très stupide qui a très bien marché». Bref, de la belle ouvrage. Le public, après deux heures et demie d’un concert parfait, offrit au chanteur une standing ovation. Et au fait, quelle chance d’avoir pu assister à cet évènement au théâtre !