La Libre Belgique
25 janvier 2001

L'au revoir de Sheller à Catoul
(par Dominique Simonet)


William Sheller évoque sa collaboration avec Jean-Pierre Catoul, dont les funérailles ont lieu aujourd'hui. ENTRETIEN.

La dernière collaboration entre les musiciens aura été un solo de violon pour la chanson Athis, sur l'album Les Machines absurdes. C'était en 1999, alors que le jeune violoniste avait décidé de se concentrer sur sa carrière personnelle. Ainsi se terminait une complicité d'une quinzaine d'années. Alors qu'il travaille, en forêt de Sologne, au mixage de son album public au Théâtre des Champs-Elysées, Sheller a ressenti durement la disparition accidentelle de Catoul :

-William Sheller : "La brutalité de la chose est effarante. Il avait tout devant lui, il fallait qu'il mène sa route toute tracée. Quand on a appris, on est resté silencieux. Ça reste beaucoup dans la tête et puis ça remonte petit à petit depuis deux jours : les images, les photos en tournée, etc. C'est bête à dire, mais ça peut arriver à n'importe qui n'importe quand. Du coup, je remets ma ceinture, tiens."

- La Libre belgique : "Comment avez-vous fait sa connaissance ?"
- "Il est rentré dans le quatuor au pied levé. On me l'a présenté, il était tout jeunot, tout mince. Il avait 19 ans. C'était un des musiciens auquel j'étais le plus attaché. Je ne l'ai pas pris comme un disciple, un de mes "gamins" comme je dis, mais il est venu chercher chez moi ce qui l'intéressait et pouvait lui être utile."

- "En quoi était-il différent d'un violoniste classique ?"
-"Le classique a un vibrato serré, sur la fin de la note en faisant vibrer les mains. En jazz, on attaque la note en glissant le doigt sur la corde. Cela donne des résultats et des images très différents."

- "Au bout du compte, il est devenu votre directeur musical"
- "Dès 86, on a monté le gros orchestre ensemble. Il recrutait les musiciens, dirigeait les répétitions, faisant travailler chacun l'un après l'autre, puis par petit groupe. Il prenait tout le monde en mains et, en Belgique, vous avez l'avantage que tout le monde se connaît. Ça aide pour monter un orchestre cohérent."

- "Ce n'est pas la seule raison pour laquelle vos orchestres sont presque 100% belges ?"
-"En Belgique, on a le sens de l'équipe, on est beaucoup moins râleur, moins syndicaliste, moins star. L'on n'entend par exemple pas une boîte de violon se fermer à 18 heures moins 2. On travaille jusqu'à ce qu'on soit content, contents nous tous. De plus, la Belgique étant petite, les musiciens sont obligés d'aborder différents styles pour survivre, ce qui leur donne une culture éclectique, une polyvalence précieuse."

- "Que retenez-vous de la personnalité de Jean-Pierre Catoul ?"
- "Pour réunir et diriger des musiciens, il faut partager un enthousiasme et des qualités humaines importantes. Je l'ai toujours vu souriant, prêt à attraper son violon, à partir dans des aventures. Lancé comme il était, il aurait pu faire une carrière à la Jean-Luc Ponty ou Didier Lockwood. C'est un grand musicien que la Belgique perd."

Les funérailles de Jean-Pierre Catoul ont lieu ce vendredi à 10h, à l'église de Wanze, et l'incinération au cimetière de Robermont à 14h15.

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NB : Le violoniste Jean-Pierre Catoul est décédé le 22 janvier 2001 à Bruxelles dans un accident de voiture après avoir été percuté par un chauffard ivre poursuivi par la police. Il avait seulement 37 ans.