Le
CD est une suite pour voix et piano, signée par un "pianoman"
qui s'apprête à fêter
ses 30 ans de chanson.
Quelques
traits de crayon sur une pochette d'un nouvel album. Quelques traits pour illustrer
une petite boîte où l'on se glisse, où l'on savoure la mélancolie
de l'époque. "Non, pas la tristesse", lance William Sheller.
Qui ajoute: "Je n'aime pas la tristesse." L'an prochain, il fêtera
ses 30 ans de chanson - en fait, il s'y est pris un peu à l'avance avec
ce nouvel album sobrement titré Epures, avec douze moments de grâce,
neuf chansons et trois instrumentaux. Rencontre avec un "pianoman" qui
court tout seul. Pour notre plus grand plaisir.
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"Décidément, vous ne pouvez rien faire comme les autres ! La
meilleure preuve, c'est ce nouvel album -un peu plus de 33 minutes-, c'est vraiment
de l'épure... "
-"Mais qu'on arrête avec
cette idée qu'un album, ça doit être calibré, formaté...
Et puis, dans le passé, j'ai montré que je sais aussi écrire
et composer des chansons qui peuvent approcher les dix minutes. Mais là,
pour ces Epures, je voulais le minimum de mots et de notes pour dire de
petites choses. Les grands discours, ça ne m'intéresse pas".
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"Dans Chanson d'automne, votre goût de la solitude transpire...
Est-ce à dire que vous êtes égoïste ?
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"Voilà trois ans, j'ai quitté Paris. Pour aller vivre dans
les bois en Sologne. Alors, on a dit : "Sheller est un ermite."
Mais, vous le voyez, je ne porte pas la robe de bure ni ne m'appuie sur une canne!
Oui, je vis assez solitairement, mais ça, c'est ma façon de vivre
depuis l'enfance. Je ne m'ennuie jamais quand je suis seul. Alors je serai égoïste
? Mais l'égoïste, lui, n'embête pas les autres... Et, quand
on vit en solitaire, on est plus facilement à l'écoute des autres".
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"On vous voit peu à la télé... Comme si vous vous mainteniez
à la marge..."
- "Mais je parle aux gens ! Je tiens
seulement à fréquenter des gens normaux. Qui ont une vie normale.
Si on ne vit que dans des hôtels de luxe ou sur les plateaux de télé,
qu'a-t-on à dire au bout d'un moment à tous ces gens-là ?"
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"On vous connaît chanteur depuis 1975. N'avez-vous pas quelque regret
qu'on vous méconnaisse pour ce que vous pensez être d'abord : un
compositeur ?"
- "La chanson, ce n'est qu'un aspect de
mon métier. Moi, je suis un compositeur de musique d'aujourd'hui. Non pas
de musique contemporaine, synonyme d'ennui et de science élitiste... Un
jour, Stephan Eicher m'a dit que, au XIXe siècle, Schubert, le grand Schubert,
écrivait lui aussi des symphonies et des chansons. Alors, pour moi, Epures,
c'est une suite pour voix et piano, et elle s'inscrit dans un ensemble dont j'ai
jeté les bases dans les années 1960".
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"Donc, William Sheller chanteur, ça tient du hasard... "
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"C'est Barbara qui m'avait dit : "Si tu chantais !" Et,
moi, entre 1975 et 1979, je me suis cru chanteur. J'avais enregistré quatre
albums durant cette période ! Mais l'art est toujours ambigu. Moi, par
exemple, je fais de l'art musical. Parce que, question textes, je rame. Je ne
suis pas un auteur. Alors, je me réfère aux grands auteurs : Paul
Valéry, Jean Cocteau, le surréalisme, la syntaxe floue... Dans Mon
hôtel, qui ouvre Epures, j'ai pris la langue de Verlaine. J'aime
tout ce qui se dit sur le bord des lèvres".
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"Dès le mois prochain, vous repartez en tournée..."
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"Et je ne serai pas en solitaire. Avec moi, il y aura 18 musiciens. Un grand
groupe, pas un orchestre. En juillet 2005, j'enregistrerai un album de musique
symphonique. Et puis, je vais me lancer dans un grand projet. Certainement pas
une comédie musicale ! Non, ce sera l'opéra; je travaille déjà
sur le livret. C'est le plus dur pour l'opéra, avoir un bon livret. Donc,
je ne serai pas prêt avant 2007 ! Parce que moi, qui ai 58 ans, croyez-moi,
je ne chanterai plus dans vingt ans..." 
Epures, de William Sheller, distr. Universal music.