Les Dernières Nouvelles d'Alsace
31 janvier 2005
-Concert à La Filature de Mulhouse le 29 janv. 2005-

William Sheller,enchanteur
(par Nicolas Lehr)

 

Le temps d'un concert, William Sheller a posé son univers à La Filature samedi soir.
Avec un bonheur certain.

Sa discrétion n'altère en rien sa popularité. C'est ainsi une grande salle comble qui a accueilli William Sheller à La Filature, où il venait pour la troisième fois en onze ans, lui réservant par deux fois une ovation debout au terme de plus de deux heures et demie de concert.
Concert, et plus précisément spectacle. William Sheller n'est pas que le chanteur et le pianiste de ses titres, de ses tubes, qu'il compose depuis trente ans. Il en est l'interprète complet, délaissant parfois touches et marteaux pour arpenter la scène comme ses airs -autant de ballons frivoles- qui trottent dans les têtes. S'arc-boutant comme une âme en peine, se recroquevillant comme une déchirure qui vrille le cœur, flirtant à la lisière de la lumière comme le spectre inquiétant des sentiments douloureux, ouvrant les bras le regard planté vers les projecteurs comme une aspiration, un désir fou.
A travers les villes et les forêts, les continents et les époques, William Sheller s'immerge dans des histoires avec la délicatesse d'un conteur. Il ne fait qu'entrouvrir les portes, pour laisser à chacun le loisir d'y deviner derrière le fruit de sa propre imagination, de ses projections. Il glisse parfois quelques confidences pour donner le ton et l'inspiration d'une chanson. Petites genèses sous forme d'anecdotes, réelles ou pas, évoquées avec un humour à la légèreté des feuilles d'automne.

Arc-en-ciel

Attendu, William Sheller surprend avec ses compositions dont il a redessiné l'architecture : elles sont, sans être tout à fait les mêmes. Une réinvention, une recoloration qu'appuie un excellent jeu de lumières arc-en-ciel. Chef d'orchestre aux vêtements amples d'un gris doux, il pigmente ses mots au gré de la palette qu'il a entre les mains dans un exercice de géométrie variable. Il est la référence d'une équation qui peut contenir jusqu'à 18 autres -remarquables- instrumentistes et déploie au fil des titres bois, cuivres, cordes, batterie ou guitare électrique. Léchée et inventive, l'orchestration séduit, ne serait-ce que parce que Sheller ne se contente pas de faire ce qu'il fait pourtant déjà très bien. C'est là l'un des nombreux talents de ce musicien singulier.