Jusqu'au 12 février,
Sheller est aux Folies-Bergère pour fêter ses trente ans de carrière
avec orchestre, après un album en solitaire aujourd'hui disque d'or.
- "Vous êtes accompagné
de dix-huit musiciens !"
- "Pour beaucoup, nous n'en
sommes pas à la première tournée ensemble. On a une vraie
cohésion. Je ne parlerai pas d'orchestre mais d'un grand groupe. L'ensemble
de l'équipe d'ailleurs, entretient des rapports privilégiés,
plus proches de ceux qu'ont entre eux les gens de théâtre que du
showbiz. Il n'y a pas de «Monsieur Sheller». On se tutoie. C'est le
«tu» du compagnonnage et tout le monde est embarqué dans le
même bateau."
Avoir un répertoire
- "Une ambiance loin de votre
réputation de solitaire."
- "Je le suis
mais dès qu'il s'agit de la scène ! Vous savez, j'ai eu un
grand-père qui était un ancien compagnon charpentier. Il m'emmenait
sur les plateaux de théâtre, je l'ai vu travailler avec les techniciens.
On ne trouvait pas de hiérarchie, de choses comme ça. Quand vous
partagez une tâche avec des gens suffisamment intelligents, chacun prend
son poste, demeure attentif à l'autre. A partir de 19 h 30, je suis aux
ordres du régisseur. Il décide de l'instant de mon entrée
en scène. Je sais qu'il existe des artistes qu'on va chercher au bistrot
un quart d'heure avant..."
- "Vous
vous installez dans votre loge combien de temps avant les trois coups ?"
- "Si c'était possible, j'y serais dès midi. En tournée,
j'arrive pour déjeuner avec les techniciens alors que les musiciens ne
sont pas encore là. L'intendance nous suit et elle est bonne. On leur doit
bien ça. Quand le concert est terminé, ils démontent, prennent
la route et réinstallent dès 9 h dans la salle suivante tout le
matériel."
- "Une ambiance
qui a bercé votre enfance !"
- "Un
rêve de gosse ! Quand mon grand-père m'emmenait au Théâtre
des Champ-Elysées, à l'Opéra, je n'avais envie que d'une
chose, me retrouver sur scène. J'ai mis longtemps avant de m'y aventurer,
j'attendais d'avoir du répertoire."
-
"Vous avez choisi de faire un cadeau à votre public en vous produisant
aux Folies-Bergère ?"
- "J'ai fait
sept fois l'Olympia et pas mal de salles dans Paris. Les Folies-Bergère
constituent, disons, une façon de marquer mon petit anniversaire des trente
ans de chanson. L'endroit est tellement baroque, il se prête à des
récits, des histoires... pas seulement à des spectacles avec des
plumes. On m'a offert les mémoires d'un ancien directeur, Derval. Il raconte
depuis les débuts en 1869. Je découvre des anecdotes extraordinaires."
- "L'inspiration vient entre autre
de vos lectures ?"
- "Bien sûr !
Je lis beaucoup... pas des romans. Ce qui est complètement fictif ne m'intéresse
pas. J'aime le vécu. Des récits où on retrouve le réel
d'autres époques. J'adore Colette parce qu'elle a toute une histoire, de
théâtre d'ailleurs. Je suis comblé avec ce bouquin de Derval.
Un de ces vieux livres pour lequel il faut couper les pages pour les ouvrir...
ça fait des petites miettes dans le lit."
Les
règles anciennes
-
"De cette curiosité pour le passé viennent des chansons comme
«Le nouveau monde»."
- "Pourquoi une
chanson se situerait de façon urbaine et aujourd'hui ? J'en ai écrites
qui se passent au Japon, un peu partout. C'est bien, ça permet de naviguer.
Il n'y a qu'un postulat : raconter des histoires, d'aujourd'hui bien sûr.
Mais pourquoi ne pas imaginer des évocations d'autres temps, avec les musiques
des époques concernées. J'aime le XVIIème siècle,
une passion pour Louis XIV, l'architecture de son temps, les travaux réalisés
pour de petits appartements abritant les intrigues. Lors de mes études
de composition, on a travaillé sur les règles anciennes. Alors pourquoi
ne pas les réutiliser ?"
-
"Dans ce domaine, votre parcours est des plus originaux."
- "Une impression. De tous temps, les compositeurs ont travaillé sur
tout. Il n'y avait pas de catégories classique, variété.
Mozart écrivait des musiques jouées dans les cabarets. Schubert
a composé des chansons qu'interprètent aujourd'hui des grosses dames
habillées dans des rideaux. On ne se rend plus compte. Un gros fossé
s'est creusé. Pourquoi au nom de la modernité, je renoncerais à
toutes les mélodies qui me passent par l'oreille ?" 
- «Epures» (Mercury).
- William Sheller
en concert au Zénith de Nancy le 9 mars, à Besançon Micropolis
le 10.