La République du Centre
18 octobre 2008

William Sheller, "un costaud au cœur d'enfant"
(par Jean-Dominique Burtin)



L'auteur compositeur interprète qui vit aujourd'hui dans le Loiret, à Jouy-le-Potier, sortira, le 27 octobre, son nouvel album intitulé Avatars. À cette occasion, l'artiste au regard rock et fragile posé sur le monde, a bien voulu nous rencontrer.


Né en 1946 à Paris d'un père américain et d'une mère française, William Hand, qui a composé son nom de scène, Sheller, en mêlant les patronymes de deux écrivains, Scheller et Shelley, demeure un auteur compositeur unique.

Celui dont Barbara avait décelé les « cordes bleues », et qui vit depuis juillet 2001, dans le Loiret, à Jouy-le-Potier, continue de conjuguer pudeur et lyrisme, pop et poésie, dans des œuvres mêlant rock et classique, musique de chambre et symphonique. Après quelque dix-huit albums contenant de superbes titres dont Dans un vieux rock'n'roll (1976), Symphoman (1977), Fier et fou de vous (1978), Le Nouveau monde (1987), Un homme heureux (1991) ou Chanson d'automne  (2004), autant de titres que l'on garde toujours en mémoire, Sheller vient d'achever Avatars, nouvel opus dont la sortie est prévue pour le 27 octobre chez Mercury.

« J'aime pas le mot public, je lui préfère celui des gens »

On y découvre, sous la plume d'un homme à « l'archet sur les veines » et pour qui « une année est une vie », dix nouveaux titres, propos de fabuleux personnages, dont « un costaud au cœur d'enfant ». Afin de donner le ton de ce concept-album flamboyant et tendrement lyrique, Sheller n'a pas hésité, en couverture du CD, à se grimer en avatar, clown animal, clone de la féerie.

Pourquoi cela ? « Autant s'amuser avec sa tête », sourit l'artiste qui vient faire naître un monde artificiel, voire virtuel, en regrettant qu'on ne crée plus « d'utopie » aujourd'hui. Et le chanteur de poursuivre : « Tout ceci n'est qu'un divertissement. Je n'aime pas les textes redresseurs de torts. Un artiste est un homme comme tout le monde qui ne peut tout savoir mais qui voit quand même des choses. Des néons qui restent allumés dans la nuit, des gens qui dorment dans des voitures... La solitude se promène à travers tout cela. »

Qu'en est-il du concert pour cet artiste qui reprendra la route la saison prochaine ? « J'ai la chance qu'on ne me demande pas de chanter seulement parce que j'ai une actualité. Un nouvel album me permet toutefois de rafraîchir le répertoire. J'en ai assez de chanter  Un homme heureux  et veux m'adresser à un public qui se renouvelle. Et puis j'aime le moment même de la scène, cette soirée avec des spectateurs que l'on reçoit et que j'aime voir. En vérité, je n'aime pas le mot public, mais je lui préfère celui des gens, des gens de tous les âges, à la fois jean et loden qui viennent nous écouter ».

N'est-ce vraiment que du plaisir ce moment du spectacle ? « C'est aussi beaucoup d'angoisse et une thérapie. Si je dois parler de l'entrée en scène, j'ai cette idée du gant qui se retourne. En fait, on pourrait se fouler le pied sur scène et ne rien sentir. Après le concert, les gens viennent nous dire que c'était bien mais on ne le sait pas, on ne peut pas le savoir. Oui, il y a toujours quelque chose de soi qui reste sur scène et dans l'imaginaire du spectateur. Nous, on redevient quelqu'un qui boucle ses valises et regagne l'ordinaire. Comme ce serait effrayant d'être toujours en représentation... »

« Une vie où se confondent rêve et réalité »

Comme à son habitude, vigilant, Sheller a tenu à suivre, durant un an et demi, toutes les étapes de la réalisation de l'album, de la feuille au studio : « Faire un album est le fruit du travail de toute une équipe, mais il faut bien que quelqu'un dirige. En vérité, si chacun fait ce qu'il veut de son côté, l'oiseau des îles qu'on a imaginé peut devenir un poisson volant. Même si il a deux ailes, ce ne serait pas l'animal recherché. »

Malgré le plaisir de l'aventure, le chanteur n'a-t-il pas de regrets à l'issue de l'enregistrement ? « Bien entendu, j'entends ici et là des choses que je ne voudrais pas, mais il faut bien, un moment ou l'autre, s'arrêter. Léonard de Vinci, lui-même, aurait manqué de quinze jours pour finir les cils de La Joconde... » Aujourd'hui, personnalité discrète du show-biz, William Sheller continue de conjuguer musique classique et chanson sur tous les modes. Pourquoi cela ? « Je suis d'une époque où c'était bien dans l'air. Celle des Beatles, des Pink Floyd ou de Procol Harum. Il y avait alors une véritable politique d'aventure, d'expérience musicale et de recherche dans le disque. Aujourd'hui, la politique est celle de la reconcentration et du formatage. De nos jours, Camille et Juliette, par exemple, prennent de belles libertés mais ont aussi su s'imposer sur scène. »

Installé à Jouy-le Potier, William Sheller, ne manque pas d'assister à certains concerts donnés à Orléans, ceux de Zazie ou de Calogero par exemple, ou même ceux du violoniste André Rieu, si souvent décrié par les mélomanes purs et durs. Sheller, à son sujet : « Mon grand père était décorateur au casino d'Enghien, alors je connais bien l'ambiance dont il s'entoure. Et puis l'essentiel est que les spectateurs qui viennent ne soient jamais volés. Par ailleurs, je n'ai absolument rien contre le fait de proposer des choses simples ».

Amoureux de la culture de l'avant, celle que l'on peut encore avoir pour Aznavour, Patachou et le music hall, Sheller, éternellement curieux, demeure infiniment sensible et proche. C'est ce que l'on découvre dans  Le veilleur de nuit ou Jet lag : « J'ai comme perdu la trace d'un rêve un peu flou et que je voulais vivre jusqu'au bout. C'est comme bien des promesses oubliées après coup. On rentre seul du rendez-vous. »