La Voix du Nord
(édition de Béthune)
12 octobre 2009
-concert piano-solo au théâtre municipal de Béthune, 10 octobre 2009-

Concert
William Sheller, l'homme qui sait rendre les gens heureux
(par Isabelle Mastin)



Les lumières viennent de se rallumer et dans le hall du théâtre, des admirateurs battent la semelle. Une porte s'ouvre, il entre comme si de rien n'était et s'installe au guichet. Pas de ruée, le respect retient des fans ayant passé l'âge de jouer les hystériques. William Sheller n'est pas du genre à se rengorger. Presque timide, il sourit. Lui aussi a passé une belle soirée. Ce n'est pas que par boutade qu'il a fini les rappels en prenant des photos de la salle. C'est une façon de dire merci. « Je me souvenais de l'accueil et j'aime cette salle. »  Juste bien pour un homme et son piano. Il s'est amusé au lever de rideau de ses 3 séjours à Béthune : « Avec un orchestre symphonique, avec 5 musiciens et là, je suis seul. La prochaine fois, il n'y aura que le piano ! »

Histoires de chansons
Sur scène, il joue drapé de noir, pris dans le feu croisé des projecteurs. Aura monacale pour un compositeur atteint d'une délicieuse schizophrénie. L'impassible, et le conteur maniant l'humour avec la même dextérité que le clavier. Tout en élégance, il explique à 900 paires d'oreilles attentives qu'il a voulu ce spectacle pour raconter comment l'inspiration est à l'affût, comment naissent les chansons. De sa main voletant sur les touches, d'un jour d'ennui à Genève, de la rengaine d'un gamin, d'un panneau « Centre-ville ». De cauchemars où il court à côté d'un train, tiens. Voire, souvent, de l'enfance. Paraît qu'il sent encore l'odeur des poireaux dans la marmite de la voisine, Madame Yvonne, une Bretonne rencontrée à Paris après le retour de la famille des États-Unis.

L'alchimie donne Les Miroirs dans la boue, Maman est folle, Les Filles de l'aurore, Un homme heureux forcément, et puis Vienne, emprunté à Barbara, amusée par ce « bidouilleur » de ses amis. Un homme d'influences, William : le jazz de son père, les opéras que son grand-père, décorateur à l'Opéra Garnier, lui laissait suivre dans les cintres - vue imprenable- « sur les dames habillées de rideaux ». Si bien qu'à 10 ans, il décrétait qu'il serait un petit Beethoven ou rien. Réussi : doté d'une solide formation classique, il écrit aussi bien des pièces pour piano (l'ancien sous-préfet Francis Vuibert l'écoutait dans son bureau) que des tubes de « saltimbanque ».

Dans sa loge, la pression est retombée et William Sheller a soif. Réclame de l'Orangina avec des bulles en plus. Soupire que le taux de glucides sur l'étiquette n'est pas bon pour lui. Une chance qu'il préfère les petits fours salés. Il a l'air détendu, se raconte volontiers. Sa vie à la campagne à regarder pousser la mousse et courir les sangliers, sa tournée en Chine, ce piano en or tarabiscoté inaccordable, son concert dans la Cité interdite...
À Béthune, il a adoré son piano et veut retrouver le même. Bientôt, il ira dormir à l'hôtel, à Béthune. Pas pressé, il l'a trouvé froid. « Enfin, il y a une terrasse... » Avant de partir, il profite du WiFi : « Ça permet de rester en contact » avec la France et les États-Unis. Depuis longtemps, il vit en Sologne, loin du show-biz et de l'éphémère. Des rêves encore ? « Plein ! » Il voudrait écrire un opéra, jouer aux Bouffes du Nord, sortir un DVD... Diriger un orchestre ? Non, pas son métier. Lui, son truc, c'est de composer. Tout le temps. Si ça se trouve, il a eu une idée géniale pendant la nuit.