Le Matin
18 octobre 2009

-interview avant un concert piano-solo à l'Octogone de Pully (Suisse) le 22 octobre 2009-

William Sheller
«J'aime le contact direct et humain avec le public»
(par Karine Vouillamoz)



Après la sortie de son album Avatars, paru à l'automne dernier, le chanteur français retrouve l'intimité des petites salles, seul au piano, le temps d'une tournée. Qui passera par Pully jeudi soir.



En trente-quatre ans de carrière, William Sheller, qui a fêté cet été ses 63 ans, a décliné plusieurs facettes de sa personnalité musicale et s'est fait, tour à tour, chanteur, rockeur, électronicien, bidouilleur ou musicien classique. C'est le côté pop-rock qu'il a développé dans son dernier disque, Avatars, sorti l'automne dernier. « Une fois l'album fini, je passe à autre chose », avait confié le chanteur. Autre chose ? Ce sera la scène, seul avec son piano. Une tournée qui passera, jeudi prochain, par la scène de l'Octogone, à Pully (VD).

- « Après des concerts avec orchestre, vous reprenez la route avec votre seul piano. Vous aviez besoin de vous retrouver avec votre instrument ? »
- « J'ai eu envie du piano après deux ans de trop d'orchestre. Je voulais repartir d'une façon intime. Ça me permet d'aller dans un tas de petits théâtres qui ne peuvent pas accueillir des plateaux de dix-huit musiciens. Et puis le piano, c'est mon cœur, c'est moi, il n'y a rien à faire, il revient toujours. Il n'y a presque pas de chansons du dernier album dans cette tournée, car elles ne sont pas transposables au piano. Félix et moi, par exemple, quand on a la joue à la guitare, c'est très joli, très fluide. Dès qu'on la met au piano, on a l'impression d'entendre le début de Rain and Tears, d'Aphrodite's Child. C'est effrayant. »

- « A l'inverse, y a-t-il des chansons qui s'y révèlent ? »
- « Oui, notamment Vienne, de Barbara. Ma mémoire n'arrivait pas à accrocher cette chanson. Et, petit à petit, j'ai réussi à l'apprivoiser. Barbara m'avait envoyé un fax en me disant : "Cher bidouilleur, tu as changé un peu les choses, c'est très joli, continue comme ça." Alors je l'ai mise au répertoire. »

- « Bidouilleur, c'est un terme qui vous définit bien ? »
- « Oui, parce que je fais de la musique très sérieusement, mais je ne la prends pas au sérieux. La musique est un jeu pour moi, un jeu d'ombre et de lumière. J'aime bien me promener, j'aime le contact avec le public, ce contact direct et humain. Le piano, c'est le retour à soi et à l'intime. Actuellement, l'industrie musicale est en pleine évolution, alors il y a le choix : soit c'est l'industrie lourde, comme les grands Zénith, les stades, où les choses ont besoin d'être environnées d'effets visuels et où l'artiste est tout petit dans un coin; soit les petites formules, des équipes qui se déplacent assez facilement et partout. C'est ce que font les jeunes artistes. Notamment dans des théâtres où on ne peut pas recevoir Hallyday ou Mylène Farmer. »

- « Votre dernier album, Avatars, fait référence aux mondes virtuels tels que MySpace ou des sites de rencontre. Que pensez-vous de ce genre de sites ? »
- « Je suis sur Internet depuis les années 1990 et je l'ai vu évoluer dans des directions sympathiques, mais proches de la pacotille aussi. Il y a un site, Universheller, où je rencontre des gens. Ça me permet de parler en direct avec le public tout en étant préservé. Je donne des conseils pour jouer certains morceaux, certains me demandent des doigtés pour certains passages, d'autres ne comprennent pas les accords... C'est un lieu d'échange où l'on se signale un nouveau film, une pièce de théâtre. C'est mieux que Facebook. »

- « Vous avez dit récemment : "Je trouve que ce monde est con, je suis devenu fataliste." Comment faites-vous pour contourner cette connerie ? »
- « Je ne disais pas ça dans un sens vulgaire. On a tout pour être heureux, on a une belle planète, on a des technologies, mais on les pousse dans le sens de la surconsommation. Récemment, j'ai vu un catalogue qui proposait des clés USB parfumées au citron ou à la fraise. Voulez-vous me dire où va l'invention ? Alors qu'il vaudrait mieux trouver une solution pour que les gens aient un niveau de vie convenable. C'est dommage, cette agressivité commerciale. On sent que le monde a basculé dans quelque chose d'inhumain. On ne cherche pas l'humanité, on cherche à faire des sous. Alors, à la fin, quand il n'y aura plus rien à manger, qu'est-ce qu'on mangera, des sous ? »

- « Ou des clés USB ? »
- « Oui, on les léchera ! Je ne fais pas de la misanthropie agressive. On dit que je suis un ermite car je vis à la campagne, mais ce sont les Parisiens qui pensent ça. Dès qu'ils font 50 kilomètres, ils ont l'impression d'avoir fait le tour du monde. Je me suis installé en Sologne, dans les bois. Je respire de l'air frais, il n'y a pas d'embouteillages, les gens ne sont pas nerveux. On vit au rythme de la nature, et c'est ce que j'aime. »

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À ÉCOUTER
* William Sheller en concert le 22 octobre, à l'Octogone de Pully (VD).  
* Disque Avatars, distr. Universal.