La Provence
9 avril 2012
-interview avant un concert au Pasino d'Aix-en-Provence le 13 avril 2012-

William Sheller aime « passer d'une formule à une autre »
(par Olga Bibiloni)

 

C’est un artiste singulier, à part dans l’univers de la chanson française. William Sheller a su, à l’âge de 11 ans, que c’est autour de la voie artistique que se tisserait sa vie.

Ce genre de certitudes forge une personnalité en même temps qu’un tempérament affirmé. Pourtant sa carrière a commencé sur un malentendu en forme de tube aux accents rock qui, a-t-il confié depuis, avait été écrit en un rien de temps. Avec Rock’n’dollars, le public découvrait ce chanteur blond à la voix soyeuse. Depuis, les chansons de William Sheller ont, pour la plupart, accompagné nos vies : Dans un vieux rock’n’roll, Le carnet à spirale, Ho! J’cours tout seul, Les filles de l’aurore, Le Nouveau monde  jusqu’à Un homme heureux, de laquelle se dégage paradoxalement, beaucoup de mélancolie. L’artiste aime surprendre, tenter l’expérimentation. Pour le public du Pasino, à Aix-en-Provence, où il sera vendredi soir, il a choisi la formule « Piano solo » qui lui laisse « une grande liberté ». Il travaille actuellement à l’élaboration d’un nouvel album qui ne sera composé que d’inédits.

- « Vos apparitions se font assez rares sur scène. Pourquoi ménagez-vous cette partie de votre travail alors que vous avez déjà déclaré à plusieurs reprises "La scène est l'endroit où je vis vraiment" ? »
- William Sheller : « Si vous appelez, par exemple, donner une centaine de concerts complets en 2011 "se faire rare", combien devrais-je en donner pour avoir l'air apparent ? On me pose parfois cette question qui me fait toujours sourire. Disons que ça se sait rarement. »

- « Vous avez grandi sur la scène puisque votre grand-père était chef de plateau ? »
- W.S. : « Oui, mon grand-père était aussi décorateur et m'a souvent emmené avec lui tant à l'Opéra de Paris qu'au théâtre des Champs-Elysées où d'ailleurs ma grand-mère était ouvreuse. J'y ai pris le goût du spectacle et l'envie de devenir musicien. »

- « Votre légendaire discrétion explique-t-elle aussi votre quasi-absence, depuis quelques années, des radios et des télés ? »
- W.S. :  « Il y a un peu de ça. La radio en général a très peu d'émissions de fond mais plutôt de promotion. Elle semble s'axer de plus en plus sur les artistes issus de concours télévisés ou les productions anglo-saxonnes. C'est le monde des People. D'autre part, vous avez chaque soir des orchestres de jazz ou classiques, des troupes de théâtre, des compagnies de danse qui remplissent des salles sans paraître en télévision. Le public qui se déplace au spectacle n'est pas tout à fait le même que celui qui aime voir les artistes sur son écran et en famille. »

- « Que fait William Sheller quand il n'est pas en tournée ou enfermé dans un studio d'enregistrement ? »
- W.S. : « J'écris de nouvelles choses, je lis beaucoup, et j'en profite pour être avec ma petite famille surtout. J'aime jouer les grands-pères gâteau. Et je me mets toujours au régime avec un minimum de sport parce que les concerts impliquent beaucoup de restaurants et que j'ai tendance, hélas, à profiter des calories. »

- « Vous n'aimez jamais refaire la même chose sur le plan scénique. Comment vous présentez-vous cette fois-ci et comment justifiez-vous ce choix ? »
- W.S : « J'aime changer oui, passer d'une formule à une autre, surtout si je reviens jouer dans les mêmes lieux. Pour Aix-en-Provence, ce sera une formule en piano solo, que j'aime bien parce qu'elle est très intime et parce qu'elle crée une véritable intimité avec le public. C'est ce qu'il en ressort en tout cas dans les comptes-rendus de la presse après concert. »

- « Quel a été l'accueil du public, à Paris, pour la formule "Piano en ville" ? Et pourquoi avoir choisi 7 lieux différents et parfois assez insolites comme par exemple le Musée Grévin ? »
- W.S. : « L'accueil a été très positif. Le fait de choisir, outre deux théâtres traditionnels, des lieux insolites a attisé la curiosité des gens. Vous citez le Musée Grévin, peu de spectateurs l'avaient visité, c'était l'occasion de faire découvrir un lieu extraordinaire. Jouer aussi dans des grands salons sans le noir de la salle, donc voir le public, a été une expérience nouvelle et très enrichissante. »

- « Votre dernier disque Piano en ville, sorti en 2010, ne comprenait que six titres. Depuis, plus rien. Faut-il s'attendre à une sortie prochaine d'un album plus "étoffé" ? »
- W.S. :  « Cet enregistrement était conçu pour être distribué à l'occasion de cette série en décembre 2010. En 2011, j'étais sur scène presque tous les trois jours, donc je n'ai pas eu le temps de préparer un nouvel album, ce que je suis en train de faire actuellement. Bien sûr, il comportera un plus grand nombre de morceaux, tous inédits. »

- «  Pourquoi ressentez-vous ce besoin de changer, de surprendre, face à ceux qui vous écoutent et qui vous suivent ? »
- W.S. : « Comme on a besoin de se gratter quand ça vous démange. Je ne cherche pas forcément à surprendre, j'écris ce qui me vient, sans extravagances non plus du reste. Aussi bizarre que soit l'idée qui vous vienne, il faut chercher à la mettre à portée de ceux qui la reçoivent. Ceux qui viennent m'écouter s'attendent à être emportés dans quelque chose d'un peu différent. »

- « Quel regard portez-vous sur la création musicale d'aujourd'hui. Et quels sont les jeunes auteurs ou compositeurs dans lesquels vous vous reconnaissez ? »
- W.S. :  « Elle n'est ni meilleure ni pire qu'avant à la base. On met en avant des choses gentilles pour les ados qui découvrent l'amour, souvent en imitation de la production américaine, puis après des choses plus solides et moins diffusées, enfin des musiques comme le rock hard ou le rap qui sont plus des expressions culturelles, voire communautaires comme le gothique ou le post-punk. Je note quand même un certain goût pour des artistes qui ressemblent "au voisin du dessus qui fait des choses pas mal" et pourquoi pas d'ailleurs, mais depuis combien de temps juste dire le titre d'une chanson fait qu'on peut se la chanter en tête des années après ? Qui j'apprécie ? Des gens comme Ushtiax, Claire Diterzi, Benjamin Biolay, Daniel Darc, c'est une question très difficile j'avoue. »…

- « Entre le piano solo et la forme beaucoup plus lourde de l'orchestre symphonique, où vous sentez-vous le plus à l'aise ? »
- W.S. :  « Dans les deux. J'ai d'un côté, en soliste, une grande liberté et dans ce cas, il s'installe de l'intimité, même dans une grande salle. Et avec un orchestre, outre le plaisir d'une complicité avec les musiciens, l'impression de voir "la musique du film" des chansons est très porteur. Avec l'orchestre, le spectacle se projette dans la salle, dans le cas du piano, on attire la salle autour de l'instrument. »

- « William Sheller est-il aujourd'hui "Un homme heureux" ? »

- W.S. : « De toute façon oui. J'ai la chance de faire un métier que j'aime et de laisser des souvenirs aux gens. Mais il ne faut pas s'arrêter là. Le bonheur en soi risque d'être un cul-de-sac. »

* Vendredi 13 avril à 20h30 au Pasino à Aix-en-Provence.