Libération
23 octobre 2015

On y croit
William Sheller, exercices de style

(par Jean-Baptiste Vieille)


Sept ans après Avatars, le chanteur-compositeur revient avec Stylus, un album succinct mais riche.

La discographie de William Sheller retourne sans cesse sur ses pas. Stylus, son douzième album, ne déroge pas à la règle : le disque contient un enregistrement de 2010, les Enfants du week-end, et une reprise de Comme je m’ennuie de toi (1975). Cette démarche témoigne du caractère hybride de son œuvre : chez William Sheller, les époques et les genres musicaux se croisent en permanence. Stylus semble ainsi fusionner un album pop, un récital au piano et un disque instrumental. Entre deux intermezzi, le chanteur ressuscite des croyances païennes (Walpurgis), rêve d’une échappée sur la Lune (Youpylong) et saisit cette mélancolie du soir qui tombe, toujours omniprésente. Dans Bus Stop, l’enfant qui s’en va pourrait être un cousin éloigné de Nicolas, l’enfant qui voulait rentrer chez lui. Sheller chantait ce titre en 1980, avec le même sentiment d’abandon.
Son précédent album, Avatars, mêlait pop naïve, rock’n’roll et élans symphoniques. Cette fois-ci, William Sheller revient à l’intimité du piano et d’un quatuor à cordes. Minimal, l’ensemble fait écho à ses deux derniers pics d’inspiration : le bien nommé Epures, en 2004, et son concert avec le Quatuor Stevens, en 2007. Seule différence : Stylus, au premier abord, provoque une frustration. L’album paraît étrangement concis, presque inachevé. Et puis les détails se révèlent : l’envol des violons dans Bus Stop, la conclusion douce-amère de Petit Pimpon, le rythme obstiné de Walpurgis… Au final riche et aventureux, Stylus est la maquette en miniature du monde de William Sheller. Un univers multiple dont il reste l’éternel explorateur.

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Pierre Lapointe 
Seul au piano (2011)
Le chanteur québécois partage avec William Sheller le goût des images surréalistes, une forme de vulnérabilité et un amour infini pour le piano. Ce concert, enregistré à Montréal, est son Sheller en solitaire.

Clint Mansell The Fountain : Music from the Motion Picture (2006)
Epique et méditative, la BO du grand film malade de Darren Aronofsky cultive une affinité lointaine avec les disques baroques de William Sheller. Clint Mansell et lui ont d’ailleurs tous deux composé leur Lux Aeterna : Sheller en 1972, Mansell en 2000 pour Requiem for a Dream.

Chilly Gonzales Chambers (2015)
William Sheller appréciera sans doute l’exercice de style : dans Chambers, l’ambitieux compositeur canadien réconcilie musique de chambre, format pop et fantasmes rap. Dans un monde rêvé, Sheller est présent sur cet album, et il fait un morceau avec Drake.

* William Sheller Stylus (Mercury).