La Dépêche du Midi
6 juillet 2016
- interview avant un concert à Albi au festival "Pause Guitare"-

Pause Guitare
Sheller : "L'austérité, j'en ai assez"

 

Avec l'âge, William Sheller a abandonné ses fantaisies clownesques pour un registre romantique dont le pic, le cap, la péninsule est Un homme heureux. C'est ainsi, avec un beau quatuor à cordes, que le chanteur se présentera le 6 juillet, au Grand Théâtre d'Albi. Manière de boucler la boucle, en toute intimité, avant de se lancer dans un projet aux antipodes, flamboyant et électrique. Car William Sheller n'a plus envie d'être sage : il veut s'amuser, exploser, vivre intensément ses 70 années… à venir.

- « Comment avez-vous vécu les Victoires de la musique et le trophée d'honneur qu'on vous a remis ? »
- « 
On m'avait parlé d'une surprise mais je n'étais pas au courant de l'hommage que me rendraient Véronique Sanson, Jeanne Cherhal et Louane. Cela m'a fait plaisir de voir deux générations et demie reprendre mes chansons. La Victoire d'honneur arrivait à point nommé, comme une grosse virgule avant de tourner la page, de passer à autre chose. J'aurai 70 ans en juillet : c'est le moment ou jamais. »

- « Vers quoi voulez-vous aller ? »
- « Je vais reprendre Lux Aeterna, un disque qui avait fait un four il y a 20 ans et qui est devenu culte. Je serai sur scène avec 20 musiciens. Ce sera électrique et symphonique. J'ai envie de m'éclater, de finir ma vie en me faisant du bien. »

- « Vous sentez-vous prisonnier d'une image « sérieuse» depuis Un homme heureux ? »
- « 
L'austérité, j'en ai assez ! Le côté mélancolique, ça commence à m'agacer. Je veux de la folie. A la maison, je ne suis pas sinistre. Je suis prêt à la rigolade. »

- « Vous avez toujours mélangé les genres, principalement le classique et la pop. Comment parvenez-vous à un savant équilibre ? »
- « Je ne me suis jamais posé la question. J'ai toujours joué les deux, toujours abordé Mozart avec une pulsation rock. Réunir deux univers que j'aime, cela m'amuse mais il faut que cela soit imperceptible, surprenant, lié à l'atmosphère que j'ai voulu créer. »

- « Quels sont les grands pianistes qui vous ont marqué ? »
- « Rubinstein, Michelangeli et l'autre ivrogne extraordinaire, Samson François. Dans ma jeunesse, j'ai été contrôleur au théâtre des Champs-Elysées. Je faisais la garde du plateau. J'ai vu Samson François arriver sur scène en titubant et jouer un Chopin à en mourir. C'était d'une telle beauté, ça sortait du ventre. Je préfère de beaucoup cela à la perfection absolue. »

- « Et maintenant, qu'écoutez-vous ? »
- « Je réécoute tous mes vieux vinyles. J'ai racheté une platine et je ressors avec bonheur mes vieux Crosby, Stills, Nash & Young, les disques de Creedence Clearwater Revival. Ça gratte, c'est génial ! »

- « Quel regard portez-vous sur votre carrière ? »
- « A partir d'un certain âge, on ne peut vivre que par son passé même si de temps en temps on rajoute une chanson pour agiter le bocal. On sait bien qu'on n'est plus bankable, qu'on ne va plus balancer un truc énorme à la figure comme un gars de 25 ans. »

- « La plupart de vos chansons fuient le réalisme, la chronique… »
- « Je me place au-delà. J'aime bien ce qui est fantasmatique, les choses mystérieuses. Mais je pratique aussi le quotidien. Les enfants du week-end, tout le monde connaît ça. »

- « On vous sent influencé par la littérature… »
- « En ce moment, je relis «Le prince» de Machiavel et le journal de Louis Sébastien Mercier sur la vie quotidienne à Paris au XVIIIe siècle. Je ne suis pas branché sur les grands philosophes qui prédisent des choses extraordinaires pour l'avenir. Ils se sont toujours gourés, ils me font mourir de rire. »