La Provence
10 novembre 2016

Aix: William Sheller, artiste élégant et rare
(par Philippe Faner)



Le chanteur sort de sa réserve habituelle. Il sera à Aix, ce soir, au Pasino.

Depuis quarante ans, il trace sa route en solitaire sans trop se soucier des modes, en brouillant parfois les pistes pour garder une totale liberté d'action. Les apparitions de William Sheller se font rares, et pas seulement à cause de ses problèmes de santé.
Son style ne change pas. Sa voix non plus. À l'image de Stylus, son dernier opus sorti l'an dernier. On le disait fuyant mais William Sheller se montre affable au téléphone. Étonnant, comme souvent pour une des rares interviews qu'il accorde.

- « Pourquoi vous faites-vous aussi rare dans les médias ? »
- « William Sheller : « 
Parce que je n'ai pas forcément des choses intéressantes à dire. Je préfère me consacrer à mon métier, composer de la musique. A la télé, un monsieur de 70 ans ne peut pas rivaliser avec des gamins. »

- « Qu'avez-vous éprouvé quand on vous a remis, l'an dernier, une Victoire d'honneur de la musique pour l'ensemble de votre carrière ? »
- W.S. : « C'est quelque chose de plutôt flatteur pour moi, même si j'ai eu déjà plusieurs décorations qui m'ont été remises. Il paraît que j'ai eu de l'influence chez certains jeunes, et c'est vrai que j'entends parfois des choses qui me ressemblent, mais, après tout, la musique est faite pour cela. D'ailleurs j'ai moi-même été influencé par d'autres à mes débuts. En revanche, il manque aujourd'hui de compositeurs, de créateurs. »

- « Qu'est-ce qu'une bonne chanson, selon vous ? »
- W.S. :
« C'est d'abord une mélodie, c'est capital. J'aime ce qui me surprend, ce qui m'étonne. Et je dois dire que je suis de moins en moins surpris ou étonné. Une chanson réussie, c'est une chanson que l'on vit, comme on la vit au théâtre, comme Brel savait le faire. »

- « Votre dernier disque Stylus, laisse apparaître un William Sheller plus serein, plus classique... »
- W.S. : « 
Mes problèmes cardiaques ont ralenti un peu mon rythme, mes médecins me déconseillaient ce travail, ma maison de disques me pressait de faire quelque chose, je ne suis pas totalement satisfait du résultat, surtout pour une ou deux chansons. J'ai l'impression que le précédent était plus abouti, plus animé, que la musique circulait davantage. Je suis très exigeant avec moi-même. »

- « Qu'avez-vous pensé de l'attribution du prix Nobel de littérature à Bob Dylan ? »
- W.S. :
« Je trouve cela aberrant. C'est quelqu'un qui n'a pas arrêté de cracher dans la soupe à ses débuts, qui a introduit l'aspect financier dans des concerts de rock qui, au départ, étaient gratuits pour le public. Johnny Cash, à son époque, aurait davantage mérité cette récompense, lui qui n'hésitait pas à chanter dans les prisons. »

- « Envisagez-vous ce métier sans la scène ? »
- W.S. :
« Non, on a besoin de ce contact direct avec le public. Mais vous savez, la scène peut être aussi ennuyeuse. Quand on a une quarantaine de concerts dans un semestre, au bout d'un moment, on a l'impression d'aller au bureau.» [Rires]

- « Est-ce pour casser cette monotonie que vous présentez, à chaque tournée, une formule différente ? »
- W.S. : « 
J'ai envie de vivre des choses différentes. D'arrêter la chanson music-hall. Je viens de fêter mes 70 ans, si je n'avais pas été malade, je ne serais peut-être pas dans le même état d'esprit. Là, je suis en train d'écrire pour une nouvelle formule pour orchestre, en travaillant un répertoire spécifique. J'ai également un projet plus lointain qui sera un opéra sur Casanova. Ce personnage m'intrigue, me fascine. J'aimerais l'aborder en le présentant de manière décalée par rapport à son époque. »

- « D'autres projets dans vos tiroirs ? »
- W.S. : « Je suis en train d'écrire l'histoire de ma vie, ce qui me prend du temps, d'autant que je n'en suis encore qu'au début de cette histoire. Comme pour la musique, je suis quelqu'un de maniaque sur le plan de l'écriture. »

- « Tous ces projets sont chronophages. Est-ce à dire que vos apparitions se feront plus rares ? »
- W.S. :
« Mes apparitions seront encore plus rares à l'avenir, c'est sûr. Cela dit, quand les gens ne vous voient plus à la télé, ils ont l'impression que vous n'existez plus. Je poursuis mon chemin, j'ai l'impression d'arriver à un croisement. Je garde intacte ma passion pour la musique et mon envie d'être sur scène. »

Ce soir à 20h30 au Pasino, à Aix. 37/46€.