Le Télégramme
3 avril 2021

Après ses mille vies,William Sheller racroche et se raconte



C’est décidé, il ne chantera plus, mais William Sheller se raconte dans une autobiographie-feu d’artifice : secrets de famille, conseils de Barbara, soirées déjantées, cocaïne, intimité en mode hétéro ou « homo-romantique ».

C’est un coup dur pour les fans de l’auteur des Filles de l’aurore ou d’Un homme heureux.
« Je ne veux plus chanter, je ne veux plus de scène, j’ai vendu le piano à queue, j’ai donné mes disques d’or et de platine, j’en ai filé à un copain médecin, j’ai débranché tous les synthés, les bazars… », détaille, volubile, ce surdoué de la pop et de la composition.
Il ne garde encore qu’un piano-droit (plus petit) pour composer, mais, à 74 ans, c’en est fini de sa vie de chanteur. La faute à la tournée de trop, il y a quelques années. « Trop de concerts mal foutus… Tu sors du train, tu montes sur scène pour jouer la même soupe que la veille car on n’a pas le temps d’écrire, de réfléchir. Et puis, c’est le burn-out, le vrai, qui attaque le cœur : l’arythmie cardiaque et l’œdème pulmonaire. »
Résultat, son corps gonfle tellement –guéri, il a depuis retrouvé sa silhouette de trentenaire –qu’il se voit alors comme « Oncle Fétide de la famille Addams » et qu’à l’hôpital, on le confond « avec Jean-Pierre Coffe» [rires]

« Tu ressembles à papa ! » 

Son autobiographie, « William » (éditions Équateurs), se lit comme le scénario d’un film aux multiples rebondissements. Parfois cocasses, comme quand, musicien-arrangeur, il se rend chez Barbara. « La Dame en noir… En plus, je le savais, je l’avais lu, elle ne travaillait qu’avec des bruns, moi, j’arrive, blond, les cheveux longs, habillé en blanc… ». La gêne de la star est visible mais ne dure qu’une « petite minute car elle était assez ouverte ». Et avait l’oreille, puisque c’est elle qui le poussera à chanter.
Mais le livre vaut surtout pour ce qu’il révèle de sa vie romanesque. À commencer par sa mère qui lui révèle, sur son lit de mort, l’identité de son père biologique, un G.I américain.
Quand il l’apprend, ce géniteur est déjà décédé mais il se rend dans sa famille, aux États-Unis. À la descente d’avion, il tombe sur son demi-frère, « qui a la même chemise que moi, exactement », et sa demi-sœur qui lui lance : « Qu’est-ce que tu ressembles à papa ! ».
Il porte désormais autour du cou la plaque de G.I de son père, qui a participé au débarquement, en 1944. « J’ai ça et aussi une timbale en alu où sont gravées toutes les villes où il est passé, juste après le débarquement, comme Stuttgart. Il est presque allé jusqu’en Russie. »
Deux objets qu’un de ses petits-enfants voudrait bien récupérer à sa disparition, sujet qui n’est pas tabou : « À mon âge, on pense au voyage d’après. Je lui avais demandé ce qu’il voudrait, il m’a dit «"La plaque de mon arrière-grand-père et la timbale, c’est tout" ».

« Ça démonte »

William Sheller est cash, en interview comme dans son livre. Il parle ouvertement de sa consommation passée de cocaïne, du temps des hits radio. « Je n’avais pas de dealers, j’avais des fournisseurs de haut niveau qui fournissaient des gens de haut niveau, télévision, ministères, etc. ». Et de se souvenir, amusé, d’un de ces fournisseurs : « 1,60 m, chapeau de cow-boy, veste à franges, santiags, déclaré comme plombier et ayant une carte d’étudiant en art pré-colombien ! ».
Et c’est un soir qu’il rentre chez lui à pied, en plein trip après une soirée d’abus en tout genre, qu’il croise un homme, Peter, qui propose de le raccompagner chez lui.
L’artiste, qui a fréquenté jusqu’alors des femmes (il a deux enfants), se découvre « un homo-romantisme ». « Peut-être que je devais avoir un fond bi, même si ce n’est pas allé très loin. » Le chanteur mettra plus tard un terme à cette relation avec ce compagnon tombant plus qu’à son tour dans les excès. « Vivre avec moi, ça démonte : la vie est facile, logé, nourri, "jointé ", "cocaïné", alcoolisé, pourquoi s’en faire ? ».
A-t-il dit tout ce qu’il avait à dire ? Non. « Bien sûr qu’il y aura un deuxième livre ! ».